Aussitôt ma douche prise, je quittais pour visiter les environs. A pied, j'ai descendu la piste qui relie Bwindi a Buhoma dans l'espoir de pouvoir y trouver un endroit ou envoyer un courriel. Bien malheureusement, la seule option était l'Internet qui est disponible de 14h00 a 18h00. Tant pis. J'ai profité de l'occasion pour me promener autour de l'hopital communautaire. Plusieurs panneaux informatifs expliquent le fonctionnement de l'établissement, financé a 98% par des fonds privés. On y explique l'effort mis sur le traitement, curatif et préventif, des personnes porteuses du VIH. L'Ouganda détenait le triste record d'etre un des pays les plus affectés par cette maladie. Il y a une quinzaine d'année, la région de Bwindi comptait jusqu'à 23% de personnes infectées (oui, 23%!). Aujourd'hui, ils sont rendus en dessous de 4%. Félicitations! Une des raisons est le taux de fécondité particulierement élevé (le plus haut d'Afrique avec une moyenne de 7 enfants par femme). Vous comprendrez donc aisément l'énergie dépensée par les ONG a implanter un programme serré de planification des naissances... Aujourd'hui, 25% de la populationa moins de 25%. Une courbe des naissances a faire rever n'importe quel pays occidental...
Dans la soirée, apres avoir rédigé quelques pages, j'ai jeté un oeil a mon itinéraire des prochains jours. J'avais questionné le chauffeur du pick-up sur les distances et les temps de route entre Bwindi et le parc national Queen Elizabeth. Les 2 heures annoncées me permettaient d'envisager d'aller y passer 24h. La date de retour approchant, une autre option était de prendre le bus a Buhoma (a 30 minutes de boda-boda en sens inverse) pour rejoindre Kampala (4 a 6 heures de route) et ainsi passer mes derniers jours a Jinja pour profiter de la chaleur, du lac Victoria, et ne plus avoir a passer des journées dans les transports. Je connaissais mes options. Il ne me restait plus qu'a me décider!
Bwindi. Quel nom exotique. C'est ici que l'on vient observer les gorilles des montagnes d'Ouganda. Mais Bwindi, c'est aussi et surtout une foret primaire. Un de ces sanctuaires de la nature comme il en reste de moins en moins sur notre petite planete bleue. Une foret primaire, c'est une foret qui n'a subi aucune altértion depuis des millénaires. Sa faune et sa flore sont demeurées intactes. Souvent grace a leur éloignement de toute civilisation, a leur localisation dans une région du monde non soumise au tourisme de masse ou bien par des mécanismes de protection rigoureux comme la classification en parc national ou la reconnaissance comme patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO. La foret de Bwindi est demeurée intacte grace a un heureux mélange de toutes ces raisons.
La nuit portant conseil, je décidais de repartir le soir meme pour rejoindre Kampala. Sinon, j'aurais passé mes 5 derniers jours dans les transports sans vraiment profiter d'acune de mes étapes. Apres ces derniers jours sur la trotte, j'avais besoin de me poser. De préférence proche de mon lieu de retour a la maison, a savoir Kampala, la capitale ougandaise.
Je suis donc allé me checher de l'eau et quelques biscuits avant de rejoindre l'entrée du parc national de Bwindi a quelques metres de la. Inscription rapide. Je choisissais une marche en foret pour aller voir des chutes d'eau. Entrée du parc: 40$. Visite de 4 heures avec un guide: 10$. Marcher dans une foret primaire: ça n'a pas de prix. Ou presque, parce que 50$ pour 4 heures de marche, j'ai trouvé ça un peu cher...
Le guide était tres avenant et parlait un excellent anglais. Un homme en arme nous accompagna. «Pour nous protéger si un gorille venait a sortir de la foret». Tiens, la meme raison qu'au Rwanda. Mais également la meme position stratégique sur une frontiere a l'équilibre précaire avec le Congo...
La marche fut tres agréable, remontant le long d'un cours d'eau qui nous mena jusqu'à de belles chutes. On annonçait 33 metres de haut (ce qui commence a faire des chutes plutot impressionnantes). Mais enn arrivant au pied desdites chutes, je me suis dit que les hauteurs étaient ici a l'image des temps de routes annoncés. A savoir tres approximatifs. Les chutes n'avaient pas 20 metres de haut, ce qui me déçut quelquepeu. Mais ce n'était pas grave. L'essentiel était d'etre la, dans cet environnement incroyablement luxuriant, et de profiter chaque instant de cet air si pur qui tranchait avec les odeurs de diesel qui avaient rempli mes derniers jours.
Sur le chemin du retour, le soleil était rendu haut dans le ciel. La température devenait plus confortable et le niveau d'humidité avait grandement baissé. Avec ces conditions favorables, des centaines de papillons multicolores étaient sortis de leur léthargie nocturne pour butiner de façon gracieuse de fleur en fleur, de branche en branche. Il régnait comme un air de printemps!
De retour au village en début d'apres-midi, je suis allé manger local, comme d'habitude. Dans un «restaurant» (une piece d'une maison familiale qui faisait office de restaurant), on m'a servi une platrée gargantuesque de bananes plantin, de patates douces et de satza (semoule de mais comme la satza au Zimbabwe), un avocat excellent et un bol d'une mixture étonnamment délicieuse de choux, oignon, tomate et cacahuetes. Le tout pour moins d'1$. Vous avez dit local?
Apres avoir récupéré mes affaires a la guesthouse, j'ai enfourché un boda-boda pour rejoinde Butogota. 20 kilos sur le dos. 10 kilometres de piste défoncée. Et 30 minutes a me cramponner tant bien que mal pour ne pas me retrouver les 4 fers en l'air dans la poussiere!
A Butogota, on m'a proposé une des chambres les moins cheres que je n'ai jamais payé. Environ 2$. Pas de douche. Toilette (c'est a dire trou dans la dalle de béton qui surplombe la fosse septique) au fond du terrain. Mais pour dormir quelques heures, pas besoin de plus! Dans ce village minuscule, rien a faire si ce n'est marcher et contempler la vie locale. Ou plutot le calme local. Le soleil était haut dans le ciel et les activités étaient suspendues le temps de la sieste. J'ai pris mon billet de bus: départ a 4h00 du matin: encore une courte nuit en vue! J'ai tout de meme demandé confirmation de la durée du voyage. «A quelle heure doit-on arriver a Kampala?». La réponse était imprécise. «Vers 14h00, 15h00». Ça faisait pas mal plus que les 4 a 6 heures que m'avait annoncé la veille le chauffeur du pick-up!
La soleil s'était couché en arriere des plantations de thé. J'ai repris a pied le chemin menant au centre du village, en affrontant les nuages de poussiere provoqués par les 4x4 des touristes qui passaient a toute vitesse pour rejoindre la Buhoma et la foret de Bwini. Ici, A Butogota, on ne voit des «blancs» que leur visage qui file derriere les vitres teintées d'un véhicule.
Apres avoir traversé tout le village, j'ai finalement trouvé un endroit qui avait l'électricité et un frigo: j'allais enfin pouvoir me rafraichir (par habitude liée aumanque d'électricité, les gens boivent ici la biere et le coca-cola chauds... ce dont je suis absolument incapable!). Je me suis assis dehors dans la pénombre. J'ai pris une assiette de frite et quelques brochettes cuites sur les braseros, par terre, et j'ai contemplé autour de moi. Cabrel aurait appelé ça un samedi soir sur la terre. Pour moi c'était un samedi soir a Butogota. Ceux qui avaient un peu d'argent s'ennivraient a coup de grands verres d'alcool de banane. Pour les autres, conséquemment sobres, c'était le défilé dans la rue. A regarder. Sans rien pouvoir s'offrir. Un jeune s'assit a coté de moi. Il travaillait dans la construction. A cette heure-ci, il était plutot rendu dans l'auto-destruction. Il était toutefois cohérent et fort gentil. Tout a coup, l'électricité disparut. Le noir total. Seuls le rouge des braseros et le orange des poeles qu'ils chauffaient transperçaient la nuit. Rapidemen, des lampes de poches prirent le relais, créant ainsi une sorte de danse lumineuse anarchique. Apres avoir fini ma biere et mon assiette, je reprenais dans la nuit le chemin de mon de cette petite piece sale qui allait, l'espace de quelques heures, me servir de chambre.